Dernières lectures

Publié le par sara

- Nancy HUSTON, Mosaïque de la pornographie.
         Comme toujours, les essais de Nancy Huston ont la limpidité de l'évidence et sont d'une facilité illusoire. L'impression d'évidence me vient parce que Nancy Huston me fait penser et me fait me penser en tant que femme. J'ai le sentiment alors de penser à l'endroit... Dans cet essai, déjà relativement ancien, Nancy Huston confronte deux types de récits pornographiques : le récit pornographique comme genre romanesque et le récit pornographique autobiographique de Marie-Thérèse (prostituée qui écrivit son histoire à la demande d’un client à la curiosité littéraire). Elle dégage ainsi deux structures et deux ethos radicalement différents (récit de l'immoral contre récit de l'amorale) et démontre l'emprise du masculin sur le féminin dans le discours pornographique fictif. Une telle affirmation, pour banale qu'elle paraisse, doit sa force et sa nouveauté au cheminement intellectuel qui l'étaye, parcourant le champ littéraire de Sade à Bataille en passant par les romans à l'eau de rose. Convoquant Baudrillard, Bettelheim ou Barthes, Nancy Huston oppose à la mise en pièce du corps féminin celle du regard pornographique.
         Cet essai tire également sa pertinence et son actualité de sa confrontation à l'argument qu'on oppose le plus fréquemment à sa condamnation de la pornographie : la liberté d'expression. Finalement, la question est bien politique autant que philosophique, plus d'ailleurs qu'elle n'est morale. Car la mise à jour de la structure énonciative du discours pornographique, finalement, conteste l'héritage structuraliste de la critique contemporaine en affirmant que le discours est sexué...
         Voilà sans doute pourquoi cette lecture a été vraiment importante pour moi : elle m'a permis de jeter un nouvel éclairage sur mes repères intellectuels et sur mon rapport à tout ce qui a construit ma représentation de l' « intellectuel ». Ainsi, moi qui ai tant aimé Bataille, je me demande si ma fascination ne tenait pas à une double identification, présupposée par le discours de Bataille, entre d'abord l'intellect et le masculin, l'intellect et la transgression ensuite. D'ailleurs, Foucault, dans un article sur Bataille, montre comment la pensée Bataillenne se constitue dans et par la transgression. L'expérience intérieure est pour moi le livre de référence qui explore les rapports entre la pensée et sa limite. Ainsi, pour penser le plus loin (=le plus intelligemment), il me fallait en passer par l'expérience de la transgression.

Or, c'est précisément ce présupposé que Nancy Huston met en évidence afin de le dénoncer, dans son livre. Ici, quelque chose a dénoué son étreinte, me laissant vide et vulnérable… Inconnue à moi-même. Qu’est-ce qu’être une femme ? Que devient ma sexualité dès lors que je démystifie mon propre désir d’être proférée par le masculin ? Qui parle en moi ?

- Jack LONDON, Construire un feu.

         Je n'aime pas beaucoup lire des nouvelles. D'abord parce que j'ai l'impression que l'auteur s'est livré à un exercice de style, ensuite parce que j’en trouve le plaisir la plupart du temps volatile et un peu vain ... Pour la première fois, je crois, je comprends en lisant ce recueil de Jack London qu'on parle de fulgurance, de décharge, de violence au sujet de cette forme narrative. En lisant les premières nouvelles du recueil, je me prends un vrai coup de sang. 
         La première nouvelle du recueil, c'est  "Perdu la face". Et ça commence par "C'était la fin". Subienkow est un polonais, mercenaire et aventurier, ligoté comme un rôti par des indiens sanguinaires. A quelques mètres de lui, le gros Ivan, au cuir pourtant épais, pousse des cris de bête, torturé à mort, perdu "dans les affres de la chair". Subienkow, dont le narrateur raconte la vie dans un flash back trépidant, cherche un stratagème, non pour s'enfuir ni pour survivre, mais pour s'épargner la torture qui a réduit son compère au rang de bête. Mourir proprement, quoi...London nous tient par l’angoisse de la torture et l’espoir macabre d’une mort sans bavure. 
         Après cette première nouvelle, on poursuit avec "Mission de confiance"... Quel bonheur que la violence de ce récit qui retrace la course d'un homme jusqu'aux limites de l'épuisement, encombré qu'il est d’un sac très lourd cérémonieusement et mystérieusement confié par un ami... La nouvelle est une métaphore puissante et férocement ironique de la vie, en même temps qu'un hommage rendu aux forces et à la volonté de l'homme.
Je repense également à la nouvelle qui donne son titre au recueil ou encore à la dernière, "Le bon sens de Porportuk", qui n'ont rien à envier en violence et en humour noir aux deux que je viens de citer.

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Serge REZVANI, Le magicien.
        
Récit sans nerf, bavard, qui hésite trop longtemps entre autofiction, conte merveilleux, quête initiatique… Bref, quelque chose qui veut faire l’intelligent en suggérant qu’il dit simplement des choses compliquées. Au fond, c’est seulement creux. Pourtant, j’avais été si bouleversée par L’éclipse

- Robert MUSIL, Les désarrois de l'élève Törless, préface de Philippe Jacottet
         Un superbe roman, un peu vieilli par certains côtés mais si ambitieux au fond, si superbement obsédé par l’indicible et les insaisissables mouvements de la pensée…Mais il me faudrait beaucoup plus d’énergie et de rigueur que je n’en ai ce soir pour rédiger un article sur ce premier roman de Musil. Du moins, je finirai en disant que c’est ma première rencontre avec Musil. Elle fut assez lente mais je suis sûre que le contact de cette œuvre me fera une marque durable…

Publié dans Littérature

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