Mon père le pire

Publié le par pac

Mon père appelle tard. C'est mon anniversaire. Il a sa voix de psychodrame, il a sa voix des grands soirs, avec des litres de larmes tout prêts au largage bruyamment contenus dans les sinus (même si c'est pas là qu'on les range, je m'en fous). Mon père m'appelle donc pour mon anniversaire avec des "Sarah ma chérie", et puis très vite ça se termine parce que, au même moment, ma soeur qui l'appelle sur son portable m'en débarrasse. Bon courage. Il a quand même le temps de me jeter ces deux phrases totalement estomaquantes qui me laissent littéralement coite au téléphone  - ce qui ne le déstabilise pas l'ombre du quart de la moitié d'une demi-seconde  - :

" je t'aime et je sais que tu m'aimes aussi"
Remarquez comme ça c'est pratique. J'ai pas à m'emmerder à lui sortir le morceau que de toute façon j'ai salement coincé dans l'oesophage. Donc j'en reste comme qui dirait sur le cul, mais au fond absolument dévastée. Une telle phrase n'est-elle pas d'un FOU, lui qui nous a fait le numéro du suicidaire qui accroche la corde du drame en cinq actes à une poutre de la soupente, lui qui se sert des gosses pour faire pression sur la femme qui l'a trompé apparemment pendant plusieurs années, lui qui nous a éclaboussés de sa morve tant il nous a pleuré dessus, lui qui s'est donné théâtralement des coups mais pas théâtraux passque monsieur souffrait plus que tout le monde, lui qui voulait une autre fois (variant habilement le scénario pour ne pas lasser les spectateurs du grand drame de sa vie) se jeter dans le ravin en voiture après s'être suffisamment imbibé d'alcool pour pas se rater ?

Et je vous donne tout de suite la deuxième phrase :

" Je te revois en train de naître, c'était merveilleux."
Quelle émotion, quel art de la syntaxe, du ryhtme et de la rime ! C'est trop de beauté pour un seul homme ! Quelle fille extraordinaire il a, et c'est normal vu qu'il est si extraordinaire, est-ce pas ? Pouah ! Pouah !

Bon maintenant que vous avez lu ça, vous allez pouvoir me pardonner un bon nombre de choses, bien vrai ?

J'en suis complètement déprimée. 


Cet homme est sûrement fou. C'est mon père. Je me traîne une névrose et des crises d'existence à multiplier par 3 le trou de la sécu. Remerciez-moi, je me soigne pas.  

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